5/08/2007

Lettre à retardement.

Adressée aux médecins qui ont fait naître mon fils...


Madame, ainsi que toute l'équipe de la maternité,


Je suis arrivée dans votre établissement un jour d'octobre 2005, alors enceinte de 3 mois. J'étais pleine de doutes, pleine d'espoir, pleine d'émotions...

J'en suis ressortie parfois enchantée, parfois émerveillée, parfois dubitative, parfois déçue...

Les sentiments ont mis du temps à venir, aujourd'hui encore les mots sont difficiles à trouver.

Novembre, la grossesse se complique...
Décembre, hospitalisation.
Janvier, hospitalisation.
Janvier encore, re-hospitalisation.

L'équipe a, pour 99% d'entre elle, été tout simplement formidable au cours de ces semaines difficiles! Pour cela je vous félicite de tout mon coeur!
Vous, Madame, vous êtes impliquée dans mon histoire à un point qui m'a touchée. Il n'était pas rare de vous voir dans ma chambre après 22h...
Nous avons harmonisé des soupirs de soulagement quand tout danger a été écarté.

Certains points, à ce moment-là, n'ont pas retenu mon attention - en tout cas pas assez.

Mon fils était en siège. Vous m'avez tout de suite parlé de césarienne. Et ce, à un terme où il avait tout le temps de se retourner. Et ce, à un terme où l'on aurait pu tenter certaines choses: tentative douce de retournement, radiopelvimétrie pour évaluer la taille de mon bassin... Une naissance en siège est aujourd'hui tout à fait commune...

Mais non.

Enfin, arrivée à 37 semaines, terme fatidique car seuil de prématurité du bébé, vous avez programmé "l'intervention" pour la semaine suivante. Y avait-il une autre raison à cette césarienne? Si c'est le cas, personne n'a jugé bon de m'en faire part. Mais cette question, je ne me la suis posée que bien plus tard.

Je suis ressortie cette fois-là de la clinique impatiente, réticente, joyeuse, soulagée, inquiète... Mais je n'ai pas cherché à analyser.
Dans mon coeur, je vous devais la vie de mon enfant... Et donc, ma confiance la plus aveugle.

Je n'ai pas posé de question. Je n'ai pas lu. Je n'ai pas fait de recherche. En tout cas pas à ce moment-là.
Je me suis laissée faire.
Je me suis laissée voler le jour, l'instant et les circonstances de la naissance de mon enfant. Pas de surprise pour moi, pas d'attente de signes, rien de naturel.
Je me suis laissée piquer le dos, attacher les bras, ouvrir le ventre, arracher mon fils à coups de scalpel, le corps à moitié endormi et la tête emplie de larmes que je ne comprenais pas, que j'ai mises sur le compte de l'émotion.
Ce n'est pas moi qui ai donné naissance à mon fils.
Ce n'est pas moi qui lui ai donné son premier bain.
J'ai dû me battre pour avoir mon bébé auprès de moi après sa venue au monde, j'ai dû me battre contre une sage-femme qui méprisait ma douleur, j'ai dû me battre pour qu'on finisse, agacée, par me mettre mon bébé au sein plus de trois heures après sa naissance. J'ai dû me battre, alors que mon coeur état torturé, contre l'incompréhension face à une jeune maman à qui on enlève son enfant la nuit et qui suite à cela ne sait plus ce qu'elle doit/peut/sait faire.

Une fois la grossesse terminée, plus d'écoute. J'ai tenté de vous parler, j'ai eu des soucis auxquels vous n'avez pas cherché de solution. En fin de compte, j'ai eu l'impression après coup de n'être qu'un nom sur un dossier. Un dossier classé, avec succès, puisque mon fils est né à terme, en bonne santé, suite à une césarienne parfaitement réussie. Pour cela, je vous remercie de tout mon coeur, mais...


Aujourd'hui, treize mois plus tard, j'hésite entre compréhension et tristesse. Et j'ai peur.
J'ai même peur de vous parler de la naissance d'un prochain enfant. Aurai-je mon mot à dire, alors?
Ou ne serai-je encore qu'une banale couveuse, allongée, bourrée de cachets, qu'on finit par ouvrir comme une boîte de conserve parce que cela rapporte plus, prend moins de temps, et n'offre pas - normalement - de surprise?
J'ai beaucoup aimé votre clinique, et les soins qui m'ont été apportés au long de ma grossesse.

Mais ce manque de dialogue, ce manque de considération des désirs des parents, cette porte fermée une fois la grossesse achevée, font que pour mon deuxième enfant, je me dirigerai ailleurs. Je me dirigerai là où on me demande comment je veux accueillir mon bébé. Je me dirigerai là où l'on laissera la nature suivre son cours de la façon la plus physiologique possible, avec respect.

Je ne sais pas si cette lettre partira un jour...

Mais j'avais besoin de mettre des mots sur cette souffrance, ce manque que je ressens, et dont j'ai mis si longtemps à me rendre compte, ou en tout cas à m'expliquer.


A bientôt, peut-être...

6 commentaires:

Anonyme a dit…

et c'est bien tout le problème de la surmédicalisation de la grossesse. Nous ne sommes plus maitres de nos corps et dépossédées de ce moment merveilleux de la naissance. Selon les hopitaux, les sage femmes, l'accouchement sera doux et respectueux ou alors intrumentalisé et froid. Peut etre devrions nous être plus volontaires dans nos choix, nos envies ? difficile face au corps médical de faire valoir nos opinions. On reste impressionné par la blouse blanche et on fait confiance. Souvent à raison d'ailleurs. Mais parfois cela laisse un gout amer. Il faut dire aussi que la menace de procès est présente sur le corps médical, ceci induit cela.
Je reve que cet accouchement soit le meme que celui que j'ai eu pour mayline, mais Juliette (sage femme bénie) est partie vers d'autres lieux. Dommage, j'espère que ses consoeurs seront comme elle.

Anonyme a dit…

pour le prochain, renseigne toi (meme si ce n'est pas ton choix à priori) sur les experience d'accompagnement d'accouchement à domicile et à la présence de doulas.
Simplement peut etre pour comprendre ce qu'il t'es arrivé.

Anonyme a dit…

Je lis de temps à autre ton blog pour avoir des nouvelles. Aujourd'hui je lis cette lettre et j'entends un écho en moi.
La césarienne était peut-être nécessaire, mais pourquoi n'a t'on alors pas le droit de participer...

Parce qu'en quise d'accouchement nous vivons une opération, comme une abaltion du contenu de l'utérus, sans que cela ne soit associé à la naissance d'un enfant.

Contrairement à toi je sais dans mon esprit que la césarienne était la meilleure des solutions, mais cela ne m'aide pas à l'accepter plus facilement ! et surtout pas à accepter cet abscence de soutien du corps médical.

Michelle et Noah a dit…

Bonjour finette,
En soi je n'ai pas si mal vécu mon accouchement, mais je n'aime pas cette sensation "a posteriori" qu'on ne m'a jamais demandé mon avis...
Et toi, comment ça s'est passé?

Anonyme a dit…

j'ai donc pris le blog en cours de route en novembre 2008 et lu depuis le début. j'étais surprise et épatée par le raisonnement du
- gyné : césarienne pour cause de siège
- michelle : ok
- gyné : le 6/04?

j'étais certaine que le siège était possible à tenter même pour un 1e, mais bon... tu avais l'air si heureuse et puis, tout le monde n'a pas l'envie d'accoucher par voie basse avec une position de départ pareille! so respect pour le suivi de tes impressions. mais de lire ça now... gloups... ça me retourne davantage qu'un témoignage qui parle simplement du jour J, pask'on a pu ressentir tes émotions sur le moment, comment TU les vivais une semaine avant que ça ne soit programmé, etc... bravo pour ce chemin parcouru et pour cette lettre! puis, comme je sais que tu vivras une belle naissance bientôt, je triche! :p

Michelle et Noah a dit…

Bienvenue GRUNGY!

Oui le siège est tout à fait possible par VB pour un premier bébé, d'autant que mon fils était un très petit gabarit (2kg930 à la naissance). J'avais demandé une pelvimétrie qui m'a été refusée. Dommage, ils auraient vu que j'avais le bassin comme une autoroute à 5 voies.
Mais le médecin avait parlé, et moi j'étais encore si naïve...

Cette lettre n'a pas été envoyée, à vrai dire je la garde sous le coude, je vais la compléter à la lumière de la naissance de Robin, puis l'expédier, enfin.

Très bientôt...